Des Arts et des Hommes
- Deux Poètes. Deux mondes
Mohamed Âdam
- La Splendeur à sa juste mesure
La Poésie doit tout aux poètes. Le contraire est faux. Il est souvent hasardeux, voire périlleux de parler juste de certains poètes, leur engagement, leur esthétique. Il suffit de les lire, les relire et en dire très peu. Leur lumière suffit. Leur souffrance aussi. Mohamed Adam, poète égyptien est un fou de lumières, de mondes au pluriel où se mêlent passé, futur et histoires de monarques, d’aventuriers, voire de prophètes savants épris de la femme, mais pas la moindre. Celle qui affirme et le déclame haut et fort devant un lecteur ébloui par cette beauté étourdissante de mots, de couleurs et de sonorités que seule l’Arabe connait le secret. Je suis la Splendeur du corps et la Perfection du cercle, son livre phare. Il suffit d’en effleurer quelques extraits pour réaliser que la Poésie est une mère qui doit tout à ses enfants.
/ … /
Comment décrierais-je
Ce que je vois ?
La Femme ??
Ah …
La Souveraine du Sens
Et la dernière des Conquêtes
/ … /
Comment me réfugier
Du Néant chez la Femme ?
Et Comment me réfugier
De la Femme dans le Néant ?
/ … /
Pourquoi Dieu a-t-Il créé
Le Corps ?
Où gît
Le flacon de l’Âme ?
Pourquoi Dieu a-t-il fabriqué
Le Corps et y a planté l’Âme
Tel un ver ?
/ … /
Pourquoi couronnons-nous
La Mémoire avec les vapeurs du sang ?
Et pourquoi savourons-nous
La paix avec des faucilles et des fusils ?
Comment prouver que le monde
Est gavé d’aberrations ?
Et que je suis emprisonné jusqu’à la folie
Dans le flacon du Corps ?
Quels sens a ce désir ?
Quel sens a ce Corps ?
/ … /
Mouillez les cheveux
De la lune
Et essuyez – son visage – avec
Des chansons,
Ouvrez les catacombes
/ … /
Et enlevez les verrous
Sur les portails
/ … /
Détachez-la,
Habillez-la de tissu damassé et d’émeraudes
Et lavez ses aspérités
Avec des prières et des psaumes …
Et elle, entre l’aura de la splendeur
Et la splendeur de l’aura,
Elle ramasse les étoiles une par une
Jusqu’à qu’elles l’entourent
Tels les cheveux d’une femme
Tissés d’ivoire, de narcisses, de lumière et de raisins
En un instant
Tout mouvement se fige dans le silence
Et le calme envahit l’univers
À ce moment, la Femme déclame:
Je suis la Splendeur du Corps
Et la Perfection du Cercle
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Extraits
Moi, la Splendeur du Corps et la Perfection du Cercle
Mohamed Adam
Eddar – Le Caire – 2006
Tous droits réservés © Horus Éditeur-2023
Jean-Paul Michel,
- La conquête de la Lumière*
Dans l’œuvre de Jean-Paul Michel, poète éblouissant de clarté, le Mot est déterminant, la quête de la lumière se dévoile tel un chemin de vie ; et tant pis si les convenances sont bousculées, le lyrisme manque au rendez-vous ou s’éclipse, moqueur, ou que le Verbe soit poussé dans ses derniers retranchements. Seul le Réel compte. La Beauté de l’évocation, métamorphosée en une expression directe de la douleur de vivre est érigée chez lui en Loi absolue tranchant un phrasé étonnant. Même l’aboutissement à la joie y est une épreuve. Tout s’obtient, rien ne s’offre. Le poème est façonné, sculpté, dans le fer, dans la pierre, dans la matière première de l’épreuve créative. Le mot s’impose dans la douleur, quant au répit, quant au calme tant réclamé, quant à l’apaisement, ils viendront plus tard, en dernier lieu. Le passé, le futur se figent dans un Présent perpétuel, flagrant, détonnant de vérité.
Besoin d’une douceur d’un sacre
La joie en moi demande cette chance à rien
Aller à la paix heureuse
La force est là
Devant toi chante une grâce neuve1
Jean-Paul Michel célèbre les sentiments vrais, les passions vraies ; celles qui comptent dans une vie qui s’empresse de fuir, avec cette émotion juste, teintée de sobre mélancolie. Il conjure à sa manière le temps qui passe, marquant sa loyauté indéfectible à ses amis, parmi lesquels brillent Mohamed Kheir El Dine, Jean-Marie Pontévia, Soutine, et surtout et encore Friedrich Hölderlin qui fascine toujours par son œuvre universelle, ouverte, selon Jean-Paul Michel, à toutes les audaces critiques des nos contemporains, un point de départ. À cette question qui s’impose, évidente : Quelle beauté vous aura touché le plus ?2, l’auteur de Autour d’eux, la Vie sacrée dans sa fraicheur émouvante3, ne peut qu’asséner cette question qui tranche: Pourriez vous concevoir que / … / la poésie, dernière justice, n’ai de plus haute fin que de rendre à chaque chose, à chaque lieu, à chaque homme sa dignité ?
Que peut-on dire, après ces mots : Je me rends dans la joie. Je ne veux plus rien qui déprécie, qui diminue, qui abaisse4?!!
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1 Le plus réel est ce hasard et ce feu – Flammarion – 1998
2 Stupeur et joie de devoirs nouveaux – Éditions VVV Editions – 2009
3 Autour d’eux, la vie sacrée dans sa fraicheur émouvante – William Blake – 1987
4 La vérité, jusqu’à la faute – Verticales – 2010
* Extrait du Temps perpétuel – Alex Caire -Tous droits réservés – © Horus Éditeur – 2023
ID Canada / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN 2563-8181 (Imprimé