BANEL ET ADAMA de la réalisatrice RAMATA-TOULAYE SY. FESTIVAL DU FILM DE CANNES 2023 76 ème
- par Véronique VESVAL.
Lorsque la superstition est combattue de toutes leurs forces par deux jeunes d’un village du Sénégal, BANEL, elle et ADAMA, le jeune qui doit de par sa lignée prendre le rang de chef de ce village qui vit au rythme très très lent de l’apprentissage des prières de l’Islam…c’est ce que nous relate sous forme d’un documentaire poétique africain, la réalisatrice sénégalaise RAMATA-TOULAYE SY, amatrice de beaux tissus africains, le tissage étant tous ces liens enchevêtrés de la vie qui mènent au destin, ici à la catastrophe climatique : la sécheresse.
C’est parce qu’il a refusé de devenir le chef de la tribu de ce village devenu invivable, pour ceux qui veulent s’aimer sans les contraintes des plus serviles, surtout pour BANEL qui a une belle-mère dont elle est pratiquement l’esclave (elle devait lui laver ses vêtements, quand il y avait encore de l’eau) la rivière est asséchée, les animaux puis les hommes du village meurent.
Tout cela serait parti d’un conte africain, d’un autre âge, lorsque les sirènes du lac auraient condamné l’accès à ce lac à la suite d’un drame, mais BANEL et ADAMA se sont, un jour, baignés dans ces eaux. Serait-elle maudite la belle BANEL ? Car tout le village la trouve étrange, différente, elle a des accès de cruauté et elle ne veut pas d’enfant.
Elle tue beaucoup d’oiseaux avec son lance-pierres, car elle est révoltée. Révolte de la femme africaine, violente, forte, puissance du désespoir lorsque l’homme, avec qui son destin est lié dont elle, analphabète, ne sait qu’écrire le nom, est rongé par le remord d’avoir refusé les hautes fonctions de chef de village. Il la délaisse pour aller s’occuper du troupeau à moitié puis totalement mort de soif, car la pluie ne tombe plus. Persuadé que c’est de sa faute, tout le monde est convaincu de l’influence néfaste de la femme à ses côtés, BANEL.
De plus en plus révoltée à mesure que son projet de déterrer une maison ensevelie sous les sables un peu hors de ce village étouffant s’éloigne quand elle sent qu’ADAMA est occupé à autre chose et perd pied pour finir par accepter d’être le premier homme du village pour faire revenir la pluie. La chaleur monte, la sécheresse alourdit l’atmosphère ambiante, le spectateur même finit par désirer qu’ADAMA accepte la proposition du conseil du village, qu’on en finisse, on se meurt…mais les ancêtres qui vivaient dans ces maisons enterrées sous le sable et que BANEL voulait qu’ABAMA fasse ressurgir en creusant, c’était la vie d’antan, du temps des fiers ancêtres de leur tribu qui vivaient dans de belles maisons de terre, sans l’islam qui ne trouve aucune solution matérielle au problème de l’eau et qui rend malheureux tout le monde en accentuant la hiérarchie et donnant le pouvoir au plus fort : les adultes sur les enfants, l’ homme sur la femme, comme recouvrant tout sous le sable, et rendrait lâche le jeune qui devait être le chef, sans pouvoir, pour accepter les devoirs de son rang ? Ce sont des causes naturelles qui provoquent la misère, le cycle des pluies peut venir ou ne pas revenir avant une année entière, ils le savent les gens de ce village, mais la religion, même sans les religieux, trop présente dans les rouages du quotidien, accentue l’incapacité à trouver des solutions ; comme un métabolisme ralenti on va bientôt sentir que c’est la fin ou que quelque chose va se produire et c’est la catastrophe inéluctable : la tempête de sable qui, elle, sans raison, ensevelira vraiment tout et BANEL, sur son passage, sans que cela soit la faute d’ADAMA, mais BANEL voulait tenter quelque chose et voulait vivre avec passion sa jeunesse.
La scénariste RAMATA-TOULAYE SY mène de main de maître, ce scénario à la fois nostalgique de la grande Afrique de ces ancêtres et poétique avec ses contes et ses rêveries, sa conception de la nature et l’accablement est décrit de façon à mettre en exergue la vitalité de la jeunesse qui avec beaucoup de bon sens devrait être en mesure de se lever contre, la superstition et une religion dévoyée, à la recherche du vrai sens de la vie. Excellent film que j’ai beaucoup apprécié, car la valeur n’attend pas le nombre des années..
Véronique VESVAL
ID Canada / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN 2563-8181 (Imprimé)