LETTRE OUVERTE AU GOUVERNEMENT ET AU HAUT CONSEIL DE TRANSITION
Haïti, le 10 mars 2023
Haïti-Urgence : SOS de plusieurs organisations de la société civile pour sauver les deux réserves de la Biosphère d’Haïti (la Selle et la Hotte)
Après la célébration de la 28e journée internationale de la biodiversité tenue en mai 2021, plusieurs organisations écologiques telles que : Écovert-Haïti et MAP, ont présenté un diagnostic sur l’état lamentable des unités d’aires protégées : Forêt des Pins, Parc la Visite, Parc Macaya, respectivement situés dans les réserves biosphères de la Selle et de la Hotte. Ces organisations ont fait des recommandations et ont insisté pour que les autorités haïtiennes déclarent l’« Urgence Écologique sur le territoire national». Ce qui n’a pas été fait alors que le problème persiste encore dans nos forêts et dans nos aires protégées. Ensuite, ces organisations ont proposé un programme national dénommé : « Campagne nationale pour la restauration des écosystèmes dégradés d’Haïti », ce comme alternative pour préserver la biodiversité haïtienne.
Deux ans après ce premier cri d’alarme, la situation de la biodiversité en Haïti s’aggrave dans nos deux réserves de biosphère qui sont des châteaux d’eau et qui sont inscrites dans le patrimoine mondial par l’UNESCO. En effet, pour se faire une idée de l’état lamentable actuelle de nos forêts de la Selle et de la Hotte, nous présentons un diagnostic actualisé réalisé pendant le mois de mars 2023 au niveau de la Forêt des Pins et des Parc Nationaux La Visite et Macaya
1.- Parc national La Visite
Situé dans le massif de la Selle, le Parc national La Visite a été déclaré zone protégée le 4 avril 1983 et constitue l’un des plus importants sites naturels du pays. La faune de cette réserve forestière possède un pourcentage d’endémicité élevée comme le bec-croisé d’hispaniola, des hirondelles dorées, la Tangara d’Haïti, le Trogon damoison, le solitaire siffleur et le todier à bec étroit est aujourd’hui menacé par la dégradation continue de leurs habitats naturels. Depuis des années, ce parc est livré entre les mains des centaines d’individus qui l’exploitent à des fins agricoles et commerciales en raison de l’absence de mesures de surveillance environnementale. Ce parc fait constamment l’objet d’incendies et de la coupe des arbres à des fins de construction qui réduisent considérablement sa superficie boisée qui passe de 2000 hectares en 1976 à environ 500 hectares aujourd’hui. En conséquence, plus de quatre espaces ont déjà été ravagés par le feu durant les mois de février et mars 2023.
2.- L’état actuel de la Forêt des Pins
Établi sur une superficie de 32 000 hectares en 1937, la Forêt des Pins est considérablement réduite à un pot de chagrin et deux principales causes expliquent cette réduction : déforestation massive et des incendies récurrents. Toutefois, selon les données de l’ANAP, cette forêt est située au Sud’Est d’Haïti dans le massif de la Selle. Elle occupe une partie du Morne des Commissaires, adjacent à la République Dominicaine (à la Sierra de Bahoruco). Le Parc Naturel Forêt des Pins est divisé en deux parties selon l’arrêté de janvier 2014 : l’une à l’Est avec une superficie de 4780.57 hectares et un périmètre de 44.95 Kilomètres, incluant la localité dite Forêt des Pins, et à l’Ouest avec une superficie de 14000 hectares et un périmètre de 73.86 Kilomètres englobant le Pic La Selle, le plus haut point d’Haïti.
Elle constitue une vaste forêt tropicale de conifères et alimente beaucoup de villes dans le pays avec sa diversité en espèces de plantes et d’animaux. Mais depuis des années, en raison de la présence d’un marché public à l’intérieur de la Forêt (Unité 1 surtout), l’expansion des constructions et l’accélération des pratiques de déforestation pour faire de l´agriculture, du charbon de bois et aussi des meubles pour subvenir à des besoins familiaux réduisent la superficie de cette réserve forestière et diminuent considérablement la biodiversité, les ressources hydriques et exposent toutes les régions avoisinantes aux catastrophes naturelles.
Il faut signaler que la dégradation de cette réserve forestière s’accentue dès le début de l’année 2023 où des incendies se multiplient un peu partout, notamment au niveau de l’Unité I et des centaines d’hectares sont déjà ravagés par le feu.
3.- Le Parc National Macaya
Situé dans le Massif de La Hotte, le Parc national Macaya a été déclaré Forêt Nationale réservée en 1983 et Réserve de la Biosphère par l’UNESCO en 2016. Considéré comme le plus grand Parc Naturel de la Caraïbe. La superficie tampon de cette aire protégée est de 81 420 hectares alors que le pic Macaya est le plus haut sommet de la Caraïbe avec une altitude de 2 347 mètres.
Ce parc national abrite une diversité biologique d’importance capitale pour notre pays et pour l’humanité. En effet, considéré comme l’une des zones d’observation d’oiseaux en Haïti par la Société Ornithologique d’Hispaniola, il contient une faune aviaire très diversifiée et en grande partie endémique avec plus de 65 espèces d’oiseaux comme le Tangara quatre yeux, le Tangara d’Haïti et le bec-croisé d’Hispaniola et le Pétrel diablotin qui nichent dans les falaises.
Ce foyer de biodiversité abrite également plus 54 espèces d’amphibiens et de reptiles, plus de 367 variétés de plantes à fleurs, plus de 99 espèces de mousses, plus de 103 variétés de fougères, et 150 espèces d’orchidées, diverses variétés de champignons, plusieurs espèces de mammifères terrestres endémiques à l’Île.
De plus, le Parc est le château d’eau des départements du Sud et de la Grand’Anse. Les rivières des Anglais, de Port-à-Piment, de l’Acul, de Torbeck, La Ravine du Sud, les rivières de la Guinaudée, de la Voldrogue, la rivière Grand’Anse et des Roseaux y prennent leur source.
Depuis des années, avec ses potentialités en ressources naturelles ou son abondance en flore et faune, ce parc est toujours livré à lui-même et depuis le mois de février 2023, cette réserve est sous des incendies qui pourraient provoquer de nombreuses conséquences drastiques directes sur la faune et la flore du pays, par surcroît de la région caribéenne et des conséquences indirectes sur les secteurs de développement.
Malgré les différents appels lancés dans des médias par l’Organisation Écovert-Haïti, la Fédération des Organisations pour le Développement Communautaire de la Visite (FADECOV), PROMODEV, MAP, Fondation Antoine Simon des Cayes, Konbit Ekolojis Sid (KES), Association des Jeunes Réunis pour le Développement de Plateau Central (AJRDPC), Jeunes Combattants Réunis pour le Changement vers une Société Durable en Haïti (JECORECS-DH), les habitants et les autorités locales (CASEC, ASEC,) des zones où se trouvent ces aires protégées, le Ministère de l’Environnement (MdE), chargé de mener la gouvernance environnementale du pays reste sourd et a probablement failli à sa mission. Ce qui reste de l’État Haïtien ne fait aucune intervention pour rétablir l’ordre au sein des aires protégées et forêts, en particulier dans le Parc National la Visite, la Forêt des Pins (Unité 1) et le Parc National Macaya en vue d’intervenir rapidement pour éteindre les incendies, accompagner les responsables locaux et faire appliquer la législation environnementale contre ceux qui commettent des infractions susceptibles d’anéantir la vie sous toutes ses formes en Haïti.
Outre la grave crise socio-économique et politique que connaît le territoire national, la crise environnementale qui sévit dans le pays pourrait entraîner de lourdes conséquences sur les sources d’eau, la sécurité alimentaire, le tourisme, l’écotourisme indispensables à la vie nécessaire pour assurer un avenir meilleur de la Nation Haïtienne. De plus, on a pu remarquer que des efforts qui ont été faits antérieurement pour contrer la dégradation de l’environnement en Haïti ont été tous sapés par le Ministère de l’Environnement. Par exemple : des Centres de Germoplasme sont devenus dysfonctionnels et il y a gaspillage des plantules, d’énergie et de l’argent. Et, les partenariats signés avec des organisations écologiques en vue de renforcer le système national de gestion de l’environnement en souffrance est en mode pause au sein du Ministère de l’Environnement.
Face à de multiples problèmes à répétition que confronte le secteur de l’environnement du pays en particulier les deux réserves de biosphère en Haïti, il est recommandé aux autorités et aux membres du Haut Conseil de Transition de prendre les dispositions suivantes :
1.– Déclarer « Urgence Écologique » dans les forêts haïtiennes et dans nos aires protégées ;
2.– Procéder à la nomination d’un nouveau Ministre de l’Environnement et des changements profonds au sein des directions et services, notamment dans les unités d’aires protégées ;
3.– Mettre en place une équipe technique à la tête de l’ANAP et désigner un Inspecteur Général de la Police Nationale d’Haïti et un Colonel ou un Major des Forces Armées d’Haïti (FADH) pour coordonner la BSAP tout en assurant un profond vetting sur les agents de cet organe technique de surveillance environnementale ;
4.– Établir une commission mixte entre le Ministère de l’Environnement et celui de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement (MARNDR) pour une synergie dans les programmes et projets (Afè chapèl la dwe fini) ;
5.– Le CIAT doit reprendre sa mission telle que décrite par les lois de la République ;
6.– Trouver dans le plus bref délai des stratégies pour arrêter les incendies et la dégradation continue de la Forêt des Pins, du Parc national La Visite, et du Parc Macaya du massif de la Hotte.
7.– Procéder à l’évaluation rapide des dégâts et analyser les besoins de base nécessaires à la réhabilitation et au renforcement des aires protégées ;
8.– Mettre en place un processus de mobilisation communautaire : partenariats et accompagnement de la population dans les aires protégées dans des activités génératrices de revenus ;
9.– Définir une stratégie globale de gestion et de prise en charge de chacune de ces aires protégées ;
10.– Prendre des dispositions pour faire appliquer la législation haïtienne notamment :
– Le code rural en ses articles 193 à 207 qui se consacrent à la protection des forêts et des arbres ;
– La loi du 28 Mai 1936 qui édicte des mesures pour arrêter la déforestation ;
– Le décret-loi du 23 juin 1937 sur la réglementation des forêts ;
– Appliquer le décret de janvier 2006 portant sur la gestion de l’environnement et de régulation de la conduite des citoyens et citoyennes pour un développement durable.
11.– Organiser un symposium sur l’environnement pour définir une politique publique en matière de l’environnement qui incorpore des mesures relatives à la lutte contre la déforestation, les incendies, la construction de logements, des exploitations agricoles, la lutte contre les changements climatiques.
Pour authentification des organisations signataires :
1.- Max Imbert Marcelin, KES : KONBIT EKOLOJIS SID / (509) 3732-7819
2.- Juno Pierre, AJRDPC : ASSOCIATION DES JEUNES RÉUNIS POUR LE DÉVELOPPEMENT DU PLATEAU CENTRAL. (509) 3896-6858
3.- ÉCOVERT-HAITI : GROUPE D’INTERVENTION ÉCOLGIQUE D’HAITI (ÉCOVERT-HAITI / (509) 3632-3759
4.- Egzequiel Massillon, FADECOV: FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE DE LA VISITE / (509) 4638-5941
5.-Talot Bertrand, PROMODEV : PROMOTION POUR LE DÉVELOPPEMENT / (509) 3733-5953
6.- Jean Sagailles Marcelin, MAP : MOUVEMENT D’APPUI À LA PAYSANNERIE / (509) 4821-9870
7.- Ezeciel Semé, JECORECS-DH : JEUNES COMBATTANTS RÉUNIS POUR LE CHANGEMENT VERS UNE SOCIÉTÉ DURABLE EN HAITI
Pour le cluster d’organisations écologiques
Email: ecoverthaiti02@gmail.com / ajrdpc2007@yahoo.fr / ksid261@yahoo.com / promodevhaiti@gmail.com
ID Canada / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN 2563-8181 (Imprimé)