Port-au-Prince, 20 janvier 2020
- Sénateurs assermentés du 9 janvier 2017 au 18 avril 2017
- Kedlaire Augustin, Jean Rigaud Bélizaire, Denis Cadeau, Rony Célestin, Garcia Delva, Ralph Féthière, Joseph Lambert, Wanique Pierre, Pierre François Sildor
Collègues,
Le Président de la République n’a pas osé signer un arrêté ou un quelconque acte officiel qui aurait accompli sa forfaiture consistant à déclarer le 13 janvier écoulé, par tweeter et lors d’un point de presse au Palais National, la fin du mandat de 19 sénateurs assermentés en 2016, les uns deuxièmes, les autres premiers des élections tenues sous l’égide du Décret électoral du 2 mars 2015. Sont partis sans maugréer les mandatés de quatre ans, non en fonction des déclarations fantaisistes du Président de la République, mais selon l’article 50.3 dudit Décret électoral. Logique et légal.
Les autres, ceux détenteurs du certificat de premier sénateur du CEP, ont encore deux ans de mandat. Mais, le mardi 14 janvier, jour prévu pour l’élection du bureau du Sénat, ô perfidie, ces collègues ont été empêchés de pénétrer sur leur lieu de travail, le Sénat de la République, par un dispositif policier exceptionnel. De qui donc, supérieur au Directeur Général de la Police Nationale, était sorti cet ordre ? Serait-ce vous ? Ou le Président de la République si zélé a déclaré avec allégresse la mort de l’État dont, pourtant constitutionnellement il est le Chef ? C’est curieux que deux personnes de statut et de fonctions différents puissent commettre la même faute, l’un par un verbe abusif, l’autre, en fait un groupe, par un silence bruyant comme un méchant orage !
L’un d’entre vous avait vendu la mèche quand, sur le forum whatsapp des Sénateurs, voulant inviter le Secrétaire Général à annoncer la séance réglementaire de renouvellement du bureau le deuxième mardi de janvier, il argumenta en ces termes : « en lien avec la déclaration du Président de la République ce lundi 13 janvier, Je* vous saurais gré**, au nom du GSEP et au mien propre d’enclencher la procédure ». Quel est ce stratagème de constituer un entre-soi de huit sénateurs réglé par le Palais National pour constituer un bureau dans le dos de 11 autres? Je ne reconnais pas ce bureau. La Constitution de 1987 amendée, le Décret électoral du 2 mars 2015 et notre Règlement Intérieur, sont nos guides. La Constitution est claire en ses articles 60 et 60-1 : « Chaque Pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu’il exerce séparément » ; et « Aucun d’eux [l’un des trois pouvoirs] ne peut, sous aucun motif, déléguer ses attributions en tout ou en partie ni sortir des limites qui lui sont fixées par la Constitution et par la loi ». Les attributions des Sénateurs sont donc intransmissibles et inaliénables. Quant au Règlement Intérieur, en son article 6 il fixe nos treize attributions dont la onzième précise: « inscrire les Sénateurs, valider leurs pouvoirs et procéder à leur assermentation…». Si unis et troublés dans vos illusions partisanes, vous vous laissez emporter par l’ivresse d’un coup d’État, en tout état de cause et à toutes fins utiles, je vous invite à vous dégriser en relisant le Règlement Intérieur des articles 9 à 18 qui renvoient tous à la « Constitution et la Loi Électorale ».
Je suis solidaire des Sénateurs dont les droits sont violés, quel que puissent être leur personnalité et leur chapelle politique : question de principe. Mais je me bats surtout pour la vérité et le bien public dont la démocratie architecturée en trois pouvoirs indépendants et plusieurs contre-pouvoirs hors État est le pilier incontestable. Il faut donc, au-delà de votre posture de fait accompli et des recours exercés par les Sénateurs agressés dans leurs droits, vous soumettre à l’exercice toujours heuristique de la confrontation des textes qui régissent notre institution à nos idées et nos positions partisanes. Réunissons-nous et disons-nous la vérité.
Malgré nos trop graves divergences, souvenons-nous enfin de qui nous sommes fils et pour qui nous sommes censés travailler : le peuple haïtien. C’est donc haussé par le sentiment patriotique que je vous fais mes vœux de paix à partager avec les vôtres, famille et collaborateurs, dont le bonheur, je le sais, est une part importante du vôtre.
- Sénateur Patrice Dumont
- * Le collègue en question a employé le majuscule dans « je » alors que ce n’était pas en début de phrase. C’est sans doute par inadvertance.
- ** Il manquait « gré » après « je vous saurais… ». Là encore, on sait que les coquilles glissent beaucoup dans les messages écrits à la va-vite sur whatsapp
- Document original PDF : SenateDumontCompressed