geneveMonde.ch ou le chaînon manquant de la Genève Internationale
- Rencontre avec Claude Zurcher, rédacteur en chef d’un nouveau média
- www.genevemonde.ch
- par Christian David
Les multiples institutions qui composent la Genève Internationale ont tenté, au fil des décennies, de proposer des solutions concrètes à une population humaine traumatisée par deux guerres mondiales. La création des Nations Unies s’appuie sur une histoire riche et variée dont la mémoire genevoise va désormais s’inscrire dans la modernité.
Genevemonde.ch est un” livre d’histoire 2.0″ qui permet à tout contributeur qui le désire, de partager, de consulter, via la plateforme interactive, des archives officielles, personnelles : photos, enregistrements audio, vidéos, écrits.
Cette approche se positionne au confluent du journalisme, de l’histoire et des métiers de l’audiovisuel.
- Le projet contributif geneveMonde.ch mis en ligne en octobre dernier a-t-il suscité d’intérêt et auprès de quel public, et quelles en sont les étapes ?
L’intérêt a été important auprès d’un public varié. Nous savons qu’il faut du temps pour que cet intérêt se transforme en activité. Nous avions contacté les Organisations Internationales établies dans le grand Genève. Toutes ont compris l’enjeu éditorial et la place qu’elles pouvaient prendre avec nous sur la plateforme pour la valorisation de leurs archives respectives et surtout de leur histoire. Toutes n’ont pas des archives qui ont été déjà numérisées. Chaque organisation qui possède une histoire particulière a vite compris que la partager avec nous, permettrait à un public genevois, suisse et international d’accéder à un espace qui n’existait pas. Des particuliers se sont inscrits et peuvent, en toute liberté, partager leurs archives personnelles et suivent l’activité de la plateforme. Notre conseil scientifique reste en relation notamment avec le milieu académique. L’idée reste de constituer une communauté active qui se mettra en place au fur et à mesure. Contrairement à la plateforme “notrehistoire.ch”, qui est à l’origine de cette démarche, nous abordons cette fois un sujet très spécifique qui touche un public plus diversifié. Nous pensons qu’il nous faudra davantage donner du contenu que de faire appel à des contributeurs, en tout cas au départ.
Le lancement s’est déroulé conformément à nos engagements auprès du mécène qui nous soutient, de notre conseil de fondation. La création de cet espace numérique qui n’existait pas a été accompagnée. Nous avons tenu les délais, les coûts, la rédaction a été mise en place. La deuxième étape consiste à acquérir une visibilité auprès de tout le public susceptible d’interagir avec nous : organisations internationales, associations. Des campagnes d’information vont être mises en place.
- Quels sont la chronologie de l’aventure et le cahier des charges mis en place ?
Il faut remonter à 2009 avec le début du projet « notre Histoire » qui a rencontré un grand succès auprès du public suisse romand. Le partage des photos personnelles sur le site, ajouté à la participation de la RTS via ses archives, permettait de croiser les sources, faire appel à des bibliothèques, des musées, et d’autres partenaires afin de constituer cette mémoire collective. Cette plateforme s’est adaptée aux pratiques, aux demandes, a subi plusieurs évolutions, elle s’est dupliquée dans l’ensemble des régions linguistiques : canton du Tessin, des Grisons puis en Suisse allemande en février dernier. Les Suisses vont pouvoir, avec leurs images, raconter leur Histoire.
Sur ces bases, Genève monde s’est constitué en deux étapes. Une rencontre en 2018 avec Mme Bluckacz-Louisfert qui préparait le centenaire de la création de la SDN pour 2020. Au cours d’une réunion participative et forts de notre expérience avec “notre Histoire”, nous avons évoqué la possibilité de reproduire ce mode de fonctionnement participatif. Cette proposition n’a pas été suivie. Nous avons tout de même participé par le biais de la publication d’une série d’articles sur la création de la SDN.
Nous sommes revenus avec cette idée en 2021. Avec Pascal Crittin, le directeur de la RTS et le site Genève vision(1), nous nous sommes aperçus que le sujet était si vaste, si passionnant, qu’il méritait des développements et que, pour être présenté au public, il lui fallait une plateforme. L’implication des travaux effectués par l’ensemble de la Genève internationale est souvent ignorée par le public. Nous avons bifurqué à ce moment. En nous appuyant sur le site “notre Histoire.ch”, nous avons mis en place une proposition éditoriale permettant la publication de textes, des tournages, des podcasts et autres documents pour présenter ce carrefour de l’histoire de la Genève internationale d’une manière à la fois originale et constructive. La mémoire collective implique obligatoirement le recueil de témoignages et l’établissement d’un triangle histoire-mémoire-souvenir.
Nous devons satisfaire une offre éditoriale permettant de découvrir cette histoire riche, parfois controversée, dans toute sa diversité, y compris linguistique, car notre plateforme est bilingue. Il fallait construire une programmation de sujets pour constituer des dossiers thématiques auxquels nous ajoutons les supports vidéo, audio, documentaires pour ne pas flotter dans la dimension participative. Construire une rédaction constituait de ce fait, un passage obligé. L’équipe est composée de Véronique Stenger historienne, spécialiste des organisations internationales, David Glaser et moi-même journalistes. Nous comptons également sur des pigistes.
Une charte de modération assez complexe a été construite sur la base de l’expérience de notre Histoire avec des particularités dues au contexte international. Ce que vous publiez est mis en ligne, nous suivons quasi en direct ces publications et nous pourrions les retirer si besoin est. Nous soutenons la liberté d’expression tout en appliquant des paramètres de modération.
- Quel bilan pouvez-vous déjà tirer en termes de satisfactions, de nouvelles pistes ?
75% de membres inscrits sont francophones, il s’agit d’un indicateur qui va évoluer vers l’anglais. Le décollage se fait en français. La consultation est importante, mais n’est, pour l’instant, pas assez suivie par une inscription sur le site. Nous sommes actifs sur les réseaux sociaux. La majorité de nos contributeurs sont des chercheurs et des étudiants qui peuvent et pourront consulter sur notre site, un contenu disponible qui ne se trouvera nulle part ailleurs. Il faut que les personnes aient le sentiment que le temps qu’ils nous accordent génère une vraie plus-value pour eux en termes d’échanges, de découverte. Cela suppose de notre part, de mettre en place des passerelles, une animation et proposer des contenus attrayants.
Le référencement s’effectue, sur différents niveaux à l’aide de mots clés de manière à ce que les personnes qui cherchent une thématique puissent aboutir, à partir de son outil numérique, sur l’information que nous avons publiée. L’ajout d’un dossier par mois impose un rythme, une partition dans le fonctionnement qui permettent de garder toujours le contact et d’avancer. Le travail est différent par rapport au journalisme conventionnel et l’exemplaire figé par l’écriture: vous pouvez revenir sur votre publication, ajouter ou retrancher un élément, un lien, une photo trouvée. Notre objectif est également qu’une fois la dynamique enclenchée, les membres prennent de plus en plus de place et que les documents qu’ils nous amènent nourrissent ce travail commun.
- Quelles actions de communication accomplissez-vous ?
Une action est entreprise par le biais des dossiers mensuels qui contiennent des thématiques propres aux organisations internationales. Ces dernières nous ouvrent leurs portes, car elles savent que nous valorisons leur travail lorsque leur dossier est en ligne et attirent l’attention sur notre site. Nous souhaitons que les organisations constituent un relai et informent leur personnel, les États membres et tout ce public qui peut interagir avec nous. Nous organiserons des évènements avec le club diplomatique pour constituer un espace de présentation et d’expression afin de mettre en cohérence la perspective historique qui permet de mieux décrypter l’actualité. Cela permet aussi de favoriser la distance critique. L’histoire publique est un domaine novateur qui permet aux historiens et au public de raconter ensemble une nouvelle façon d’exprimer l’Histoire. Façon.
Exergue :Il faut se libérer du phénomène de simplification grâce à la connaissance et la compréhension de l’Histoire
Par exemple, le dossier sur les conventions de Genève mérite un éclairage. Nous sommes partenaires du festival histoire et cités (2) avec une exposition de photos qui s’est déroulée fin mars dans le quartier des Pâquis ainsi qu’une table ronde. Nous souhaitons nous rendre dans les écoles pour que les étudiants prennent une place sur Genève monde en publiant chez nous. À ce titre, nous construisons effectivement un chaînon manquant en mettant en place cette dynamique participative dont nous sommes fiers.
(1) https://www.genevevision.ch/
(2)https://histoire-cite.ch/
Partenaires éditoriaux de Genève monde
- Les archives de la RTS et le site Genève Vision de la Radio Télévision Suisse Romande (RTS)
- La Bibliothèque et les archives des Nations Unies à Genève
- Les archives de l’Organisation Internationale du Travail (OIT)
- Les archives du Comité International de la Croix Rouge (CICR)
- Le réseau History of International Organizations network (HION)
geneveMonde.ch propose une nouvelle façon de raconter l’histoire de la Genève internationale, au carrefour de l’Histoire, de la mémoire et du souvenir.
Le 15 juin 1979, un photographe amateur, Claude-André Fradel, prend ce cliché de la Place des Nations. Coll. C-A Fradel.
Le 28 août 1928, un hydravion amerrit dans la rade de Genève avec à son bord un délégué italien, Aldo Pellegrini, qui vient participer à la Commission préparatoire de la Conférence du Désarmement de la Société des Nations. Coll. Privée.
Dès 1940, contraint par la guerre en Europe, une partie du personnel du BIT déménage à Montréal et assure la continuité des activités de l’organisation durant le conflit. Coll. BIT
Cheffe de la section mémoire institutionnelle à la Bibliothèque des Nations Unies, à Genève, Blandine Blukacz-Louisfert a sélectionné des archives de la SdN des documents qu’elle présente dans une série de vidéos réalisée par geneveMonde.ch. Ces productions de geneveMonde.ch donnent la parole aussi bien à des personnalités de la Genève Internationale, à des historiens et à des anonymes ayant œuvré dans le cadre de la Genève internationale.
Il s’agit de la dernière photo du secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, et de son collaborateur Vladimir Fabry. Ils seront les victimes, quelques heures plus tard, du crash de l’avion qui les emmenait de Kinshasa (Léopoldville à l’époque) et Ndola, dans la nuit du 17 au 18 septembre 1961. geneveMonde.ch a également interviewé la dernière assistante de Dag Hammarskjöld, qui évoque son travail avec lui. Coll. ONU
Le reporter David Glaser et l’historienne Véronique Stenger produisent Sons d’Histoire le podcast de geneveMonde.ch, en français et en anglais. À l’aide d’archives sonores peu ou pas connues, d’interviews inédites de spécialistes et de propos de témoins, ce podcast approfondit des temps forts de l’histoire de la Genève internationale. Diffusé notamment sur Spotify et plusieurs plateformes de distribution, Sons d’Histoire est voué à toucher un large public, en Suisse et à l’étranger.
C’est une source sonore qui provient des archives du Bureau international du Travail et qui peut être écoutée pour la première fois depuis son enregistrement, à Genève, en 1938. geneveMonde.ch a en effet restauré ce document d’un discours de Frances Perkins, grande figure de la protection sociale aux États-Unis, qui n’a cessé de promouvoir la paix à l’échelle internationale. Photo: Library of Congress
ID Canada / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN 2563-8181 (Imprimé