RÉVOLUTION POUR UNE NOUVELLE HAÏTI par Heidi Fortuné

RÉVOLUTION POUR UNE NOUVELLE HAÏTI

Albert Camus définit la révolution comme “un mouvement où l’opprimé considère que son oppression va trop loin”À mon humble avis, cela suppose que le sentiment de révolte est d’abord nourri de tripes et de cœur avant d’être intellectualisé ou médiatisé. Le soulèvement soudain est une explosion de soi, de tout son être. D’ailleurs, le révolté va plus loin de ce qu’il a toujours accepté dans l’injustice. Il prend les armes, tue, pille et détruit… Ce n’est pas la tête qui réfléchit à ce moment-là, mais le corps.

Je ne parle pas ici des Révolutions de couleurs de type « Maïdan » ni du Printemps arabequi n’étaient rien d’autre que des coups d’État fascistes fomentés, financés, orchestrés par les puissances occidentales, dont les États-Unis et ses suppôts, pour contrer l’influence de la Russie dans certains pays. C’était tout simplement des insurrections nationalistes manipulées voire carrément des mouvements indépendantistes antirusses, ayant pour seul objectif de se soulever contre l’ordre politique établi en vue d’imposer de soi-disant projets émancipateurs pour finalement s’aligner sur un modèle de gouvernance bien défini.

Une vraie révolution sous-entend le désir de bouleversement radical de l’ordre socio-économique, dans une dynamique de changement fondamental, et bien au-delà. Autrement dit, un chambardement total par une puissante volonté de rupture et de réinventions politiques inédites… La ligne révolutionnaire implique non seulement un discours radical, une rhétorique guerrière et un symbolisme pragmatique comportant ses propres orthodoxies mais également une conscientisation généralisée. En ce sens, des dégâts matériels et des pertes en vies humaines seront à déplorer. Dieu seul sait!

Les nombreuses manifestations de rue, jusque-là, motivées par des considérations ponctuelles, sont plus que justes. Les aspirations populaires restent insatisfaites. Le développement économique stagne. L’ombre de la mort va et revient à chaque instant. La situation est dramatique. En désespoir de cause, la révolution reste donc l’ultime recours, la grande secousse fondatrice d’un nouveau monde. C’est le seul moyen de rompre les chaînes de la servitude, du sous-développement et de l’insécurité pour affirmer notre personnalité et notre dignité d’homme libre.

Cependant, il est un peu trop facile de prendre les palabres et les proclamations d’un leader politique qui préfère jouer sur les mots plutôt que de rechercher les voies et moyens  pour aboutir à un véritable soulèvement historique. Le projet de révolution 2.0, née de la prise de conscience de l’état de misère et d’affaiblissement de la population, ne peut être l’affaire d’un homme. Onze millions d’âmes condamnées sont concernées. Et pour rompre avec cette mort incomplète dont ils font face tous les jours et toutes les nuits, les Haïtiens doivent se réapproprier la possibilité de refaire l’histoire.

Un vent souffle. Il souffle du nord au sud et ne pourra pas longtemps être étouffé. Ce qui crée l’étincelle de cette perturbation, c’est le besoin urgent et non-négociable d’un changement durable. Des divisions sont susceptibles de compliquer le développement et l’aboutissement du mouvement. Mais elles ne seront pas insurmontables. Dans l’état actuel des choses, la meilleure alternative est de faire front commun contre l’ennemi.

La véritable révolution à laquelle nous aspirons tous doit commencer dans notre mentalité, dans notre cœur. En effet, il est impératif, dès à présent, de penser Haïti autrement, de parler d’Haïti autrement et d’imaginer le chemin de la nouvelle Haïti autrement. Le peuple haïtien a trop souffert. Il arrive un moment où chaque ineptie doit avoir un début et une fin pour qu’une nouvelle renaissance puisse voir le jour.

Le temps de la nouvelle Haïti est proche. Une nouvelle Haïti avec des femmes nouvelles et des hommes nouveaux. Des femmes et des hommes qui ont Haïti dans le cœur, dans le sang, dans le cerveau et dans l’esprit et qui n’accepteront jamais qu’un homme ou une quelconque entité ou même un État puisse leur imposer quoi que ce soit. La nouvelle Haïti nécessite non seulement la décolonisation mais aussi la responsabilisation. Entendez par-là, nous organiser par nous-mêmes, pour nous-mêmes et pour notre propre destinée. Nous marcherons avec tous les pays qui veulent marcher avec nous et qui nous traitent avec respect. Et nous combattrons ceux qui seront dans une dynamique de nous imposer un agenda qui n’est pas en adéquation avec nos aspirations et nos réalités. Une autre page d’histoire va s’écrire.

ID Canada / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN 2563-8181 (Imprimé)