LA MARCHE DU RETOUR par Mike Joseph (Éditeur – Défi Magazine)

LA MARCHE DU RETOUR par Mike Joseph (Éditeur – Défi Magazine)

Il était une fois, une partie du ciel de la caraïbe sombrait et couvrait de bulles couleur sang les montagnes et les villes d’Haïti. Comme à l’arrivée d’un volcan, les gens apeurés ne savaient dans quelle direction s’enfuir. Ce temps d’ignominie surnaturelle introduite contre le péché des hommes était semblable à celui que les pouvoirs racistes et coloniaux avaient installé il y a déjà belle lurette dans les voûtes de l’histoire contre les peuples noirs. L’un d’entre ces peuples, composé de guerriers indomptables, a refusé de s’absoudre et de se soumettre aux velléités des prétendus maîtres de la terre, et s’est forgé un drapeau dont les couleurs reflètent à jamais les luttes et les prouesses immortelles connues au front. Après maints efforts et sacrifices, fatigué, ce peuple si fier de ses exploits est tombé dans une embuscade qu’il n’arrive pas à éviter, où ses propres fils sont devenus des bourreaux au service de ceux qui ont été contraints de retrancher et d’accepter leur défaite par le passé.

À peine sorti du trépas, trahi à maintes reprises, de génération en génération, le voici encore en une journée du 30 septembre 1991 victime de ce sanglant coup d’État contre l’un des seuls, sinon le seul président haïtien élu démocratiquement par les urnes. Presque tout l’électorat avait voté en sa faveur parce qu’il représentait la conviction presque perdue. Les FADH (Forces Armées d’Haïti), sans le soupçonner, allaient commettre l’erreur capitale, leur dernier coup contre un chef d’État démocratiquement élu, le seul prêtre président de l’histoire d’Haïti.

Une fois de plus, une fois de trop, ce coup devait choquer à l’extrême, les Haïtiens qui venaient à peine de savourer une éclatante victoire en la personne de ce prêtre contre la politique traditionnelle et contre l’occupation américaine installée sur l’Île depuis 1915, depuis le débarquement des Yankees.

Parmi les plus indignés se trouve un homme, pour qui cette élection était une rupture avec le passé, il s’est donné pour mission d’entreprendre une longue marche, un pèlerinage exemplaire, pour dire ‘NON’ à cette insulte.

Déterminé à réunir toutes les voix d’outre-mer, cet homme s’est mis en marche pour que le monde se prononce sur cette ingérence grossière d’un pays tiers contre la première République noire. La nation haïtienne héroïque et souveraine s’était levée comme un seul homme pour confier à ce prêtre la mission de réussir là où presque tous les autres ont échoué. La confiance lui étant accordée, presque les trois quarts de la totalité des urnes, il n’avait qu’à exécuter son mandat. Un point et c’est tout !

Les Américains, pour calmer les opinions et la levée des boucliers en faveur du retour à l’ordre constitutionnel, ont envoyé une force militaire de 20000 soldats en Haïti pour replacer à son poste le Président renversé, et reprendre plus tard le pouvoir des mains du peuple, puisque pour eux, celui-ci n’a pas droit à la liberté.

Sans aucun doute, les conséquences de cet acte de la part des militaires haïtiens allaient se traduire en sacrilège provoquant du même coup un effet boomerang, car le prêtre avait comme par magie recouvré son poste et avait mis fin à l’existence du corps militaire et de l’institution une fois pour toutes. Privés de celle-ci, n’oublions pas qu’elle a été montée pour défaire l’autonomie politique et économique des Haïtiens, les Américains ont dû recourir au kidnapping pour se débarrasser une fois pour toutes de ce fils spirituel devenu trop encombrant.

Loin des rives d’Hispaniola, le pèlerin, cet homme aux pas rassurés s’est laissé emporter par les vagues de la mémoire et du courant de Vertières, pour porter à lui seul jusqu’au port de Miami tout le fardeau de l’impuissance qui couvait dans le foyer haïtien, de la Diaspora jusqu’aux montagnes des Marrons. Du début de son périple, parti de Toronto, ville princière et économique du Canada, il a fait des jours de route, de marche, pour s’arrêter à Ottawa la capitale politique, première étape de sa trajectoire, là où se trouve l’Ambassade d’Haïti. Il y a passé plusieurs jours en attente d’un soutien logistique et moral, au moins une collaboration effective de l’Ambassade, qu’il n’a jamais reçue, et malgré tout s’est résolu à continuer sa route vers Miami en passant par Montréal où se trouve une forte communauté haïtienne. Chemin faisant, il s’attendait aussi à rencontrer d’autres citoyens du coin et ceux éventuellement qui viendraient de loin ou des environs pour gonfler le nombre espéré de complices en direction de la Floride. N’ayant reçu aucun appui, néanmoins seul dans son engagement patriotique, il a poursuivi tout seul son chemin et a dû entre-temps changer de stratégie faute de moyens et d’intervenants.

Armé de conviction et de courage, il a vite compris qu’il fallait modifier son plan et poursuivre son objectif sans compter sur l’aide de personne. Il s’est envolé vers New York, là où la Diaspora haïtienne est supposément plus engagée dans la lutte, et de là, par miracle il a décroché un contrat pour Guantanamo à titre d’officier interprète auprès du gouvernement américain pour assister les réfugiés haïtiens qui laissaient leur pays en très grand nombre pour se rendre aux États-Unis. Toute une page d’histoire à écrire en détail durant les trois mois qu’il a passés avec les réfugiés assistés de plusieurs autres interprètes qui travaillaient comme lui sur la base militaire américaine au service de leurs concitoyennes et concitoyens. Mais le moment ne s’y prête pas pour faire le récit historique de ces quatre-vingt-dix jours.

Une petite anecdote. Une certaine formation militaire était donnée à quelques-uns de ces réfugiés qui s’étaient enrôlés comme gendarmes pour servir une fois arrivés en Haïti. Quel hérétique service pour les athées que nous sommes dès qu’il s’agit de la Nation aux cinquante étoiles…

Aujourd’hui encore, cet homme aux pas mesurés et convaincus milite pour une large concertation en vue d’apporter remède aux maux qui rongent la société haïtienne dans son ensemble. Pour lui, la vie en général est un grand défi. Ainsi, il a choisi de créer son organe politique, un mouvement qui porte le même nom en lettre capitale, DEFI. Il convoite la magistrature suprême et se prépare à faire campagne dès que les conditions seront remplies. Cet homme n’est nul autre que Michel Joseph, pseudonyme Mike Joseph, nom de plume et de travail avec lequel il signe son dernier combat.

Son rêve le plus cher c’est de voir les Haïtiennes et les Haïtiens atteindre un niveau de vie acceptable, et que le pays soit stable afin que les compatriotes d’outre-mer puissent apporter par leur présence ce qu’ils ont de mieux à offrir à leur patrie, et de jouir pleinement de leur droit civil et politique en toute sécurité. Le temps pour TOUS est à ‘’LA MARCHE DU RETOUR‘’.

International Diplomat (ID) Canada / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN 2563-8181 (Imprimé)