Je dirai à mon fils à la peau noire. par Jean Willer Marius.

Je dirai à mon fils à la peau noire. par Jean Willer Marius.

  • Aspirant Ministre du Bonheur des Haïtiens/Africains

Mon fils écoute !

Le monde dans lequel tu vis est avare, et ne fait pas de cadeau. Sous d’apparents moments d’appréciation se cache ce mal, irascible, pourtant indéracinable, qu’est le racisme. Il faudra donc le côtoyer.

Arrête de te mortifier quand tu subis ce regard entendu qui te dit clairement que tu n’es pas à ta place ici. Quand ils imitent le singe pour te proposer des origines ou quand ils se sont trompés sur le nom dans ton CV, ils t’appellent pour l’entretien d’embauche, tu vois le visage s’empourprer. Ils ne sont pas tous pareils.

On fera semblant de t’aimer quand tu danses, quand tu joues et que tu gagnes, mais quand tu vas commencer à t’intéresser aux choses de l’esprit, tu t’attireras bien des ennuis. Tes découvertes, comme toujours, porteront leur nom. Montre-leur que tu as le bagage, ils seront obligés de te ménager l’espace.

Que certaines professions demeurent le lieu très saint d’un groupe dont la couleur de peau égale tous les diplômes. Si d’aventure tu as reçu ton admission, tu auras beau essayer, mais tu échoueras, contrairement au vœu d’Hippocrate, au dernier exam. N’abandonne pas, mais persévère.

Que tu demeures un internel immigré, car né de parents migrants. Tu devras répondre à l’inévitable: tu viens d’où? Lors même tu n’auras connu d’autres cieux.

Q​ue tu devras produire beaucoup plus d’effort que ton camarade du même âge. Que tu dois jouer moins de temps que lui et étudier deux fois plus. Toi, tu n’auras pas droit à l’erreur,​ vingt fois sur le métier, était ​fait ​pour eux, toi c’est cent fois sur le métier que tu dois remettre ton ouvrage..

Qu’il y a dans le racisme quelque chose d’inconscient pas nécessairement méchant qui aboutit pourtant à la même conclusion, le rejet de l’autre chez les champions de la démocratie.

Tant que tu vivras, il existera des experts à la con pour expliquer que ta couleur de peau est une malédiction, qu’elle te rend inférieur. C’est faux. Arrête de vouloir être fils de blanc. Certains ont voulu être fils d’un noir suite à ses exploits dans le monde académique lettré.

Que tu dois leur donner rendez-vous au sommet, rien qu’au sommet, les individus terre à terre mènent une existence pénible. De ne point laisser passer cette chance qu’on t’aura offerte espérant que tu vas la rater. D’être cet échantillon qu’ils exhibent pour masquer leur honte et faire dire aux esclaves modernes : tu vois, je me sens bien chez le maître, il m’aime beaucoup, je suis désormais un des leurs. D’ailleurs je prénomme mes enfants comme eux, regarde mes ongles, ma perruque, n’est-ce pas que je leur ressemble?

La vérité est que tu resteras toi, tu auras seulement une chance si tu apprends à te faire valoir, si tu es incontournable dans ton domaine, si tu les obliges à dire: il est vraiment bon lui.

C’est tout cela que je dirai à ma fille, à la tienne aussi, si tu le permets

ID Canada / ISSN 2563-818X (En ligne) – ISSN 2563-8181 (Imprimé)